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Le Petit père aux longues jambes

Frederic Zelnik

Pays-Bas | 1938 | 1h29 | VOSTF

Titre original : Vadertje Langbeen

Présenté par Adèle Yon


Judy Aaalders grandit dans un orphelinat strict et rêve de liberté. Un jour, une confrontation a lieu avec la direction de l’orphelinat à cause d’un dessin humoristique et Judy est exclue. Par hasard, le riche Albert van Woudenberg y assiste, et touché par la fougue de la jeune fille, il décide de financer ses études à l’université. En revanche, elle ne doit jamais le voir ni chercher à entrer en contact avec lui. Tandis qu’Albert van Woudenberg sort de l’orphelinat, Judy aperçoit une ombre avec des longues jambes : pour cette raison, et ne connaissant pas l’identité de son bienfaiteur, elle lui donne le surnom de « Petit Père Longues Jambes » (Vadertje Langbeen).

Quelques années ont passé. Malgré l’interdiction, Judy écrit régulièrement à Petit Père Longues Jambes, qui ne lui répond jamais. Elle habite avec Ina Donkers et Doris van Woudenberg, qui n’est autre que la nièce de son bienfaiteur, ce qui permet à celui-ci de garder un œil sur elle. Elle rêve d’une carrière d’écrivain à succès, qui lui permettrait de rembourser à Petit Père Longues Jambes les frais de son éducation. Elle reçoit les visites fréquentes de Mme van Dedum, figure maternelle à laquelle elle écrit de longues lettres, et amie de son bienfaiteur.

Un jour, Albert découvre dans une des lettres de Judy que celle-ci est persuadée que Petit Père Longues Jambes est un vieil homme. Offensé, il décide d’organiser une rencontre par l’intermédiaire de Mme van Dedum, tout en gardant son identité secrète. Ils tombent immédiatement amoureux. Plus tard, une soirée est organisée, à laquelle participent Albert, Judy, ainsi que Doris, Ina, et le frère de celle-ci, Frits Donkers, qui aime Judy en secret. Lors de cette soirée, et malgré les tentatives avortées de Frits Donkers pour les en empêcher, Judy et Albert s’avouent leur amour.

Les deux protagonistes se fréquentent régulièrement. La jeune femme lui parle souvent de Petit Père Longues Jambes, mais Albert est déterminé à garder son identité secrète. Judy parvient à publier un livre, qui est un véritable succès : elle peut ainsi payer ses études et faire un don à l’orphelinat.

Albert décide alors de demander Judy en mariage. Mais Judy, tiraillée entre son amour pour lui et ses origines modestes, finit par décliner la proposition. Albert, brisé par cette décision, manque de se tuer dans un accident de voiture. Judy écrit alors une lettre à Petit Père Longues Jambes pour lui raconter la demande en mariage et les raisons de son refus. Albert reçoit la lettre et, pour la première fois, y répond, proposant à Judy de venir le rencontrer. Elle se rend donc chez lui et découvre qui est véritablement son bienfaiteur. Elle réalise aussi qu’il l’aime profondément et se soucie peu de ses origines. Ils s’embrassent et Albert annonce leurs fiançailles à son domestique.

Petit Père Longues Jambes est inspiré du roman de l’auteur américaine Jean Webster, une comédie dramatique publiée en 1912, qu’elle adapta pour le théâtre en 1914 et qui connut un succès important. L’auteur s’est illustrée par ses romans d’apprentissage, mettant en scène des jeunes filles accédant progressivement à une maturité intellectuelle, morale et sociale. L’ouvrage inspira le réalisateur Marshall Neilan, qui en réalisa une première adaptation cinématographique en 1919 avec Mary Pickford, alors âgée d’une vingtaine d’années. Le roman donna lieu à deux autres adaptations américaines avant celle de Frederic Zelnik : celle d’Alfred Santell, en 1931, avec Janet Gaynor, et celle de Irving Cummings, en 1935, intitulée Curly Top, une comédie musicale avec Shirley Temple dans le rôle-titre. En 1955, Jean Negulesco en réalisera de nouveau une version musicale avec Fred Astaire et Leslie Caron.

Frederic Zelnik, le réalisateur de cette version tournée aux Pays-Bas en 1938, fait partie des nombreuses personnalités juives de l’industrie cinématographique allemande à fuir leur pays avec l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Outre Petit Père Longues Jambes, il réalisa aux Pays- Bas Demain, ça ira mieux ! (1939), qui retrace lui aussi le parcours d’une jeune fille pauvre cherchant à poursuivre son éducation et à devenir quelqu’un, jeune fille également interprétée par Lily Bouwmeester. Le film fut tourné dans les studios Cinétone à Amsterdam, qui venaient de rouvrir après avoir fait faillite au début de l’année 1938 et avoir été rachetée par de riches industriels de la Haye.

Le film fut un grand succès, notamment en raison de l’association renouvelée entre Lily Bouwmeester et le producteur Rudolf Meyer, qui avait déjà collaboré en 1937 sur le film Pygmalion, adapté de la pièce de Goerge Bernard Shaw, un des succès les plus importants du cinéma hollandais d’avant-guerre. Ce dernier racontait l’histoire d’une jeune vendeuse de fleurs qui s’élève dans la société grâce à un professeur de diction qui lui apprend à transformer son expression. Ce film avait aussi marqué le retour de Lily Bouwmeester, comédienne de théâtre très populaire des années 1920 : après plusieurs années de pause dans sa carrière, et avec les débuts du parlant, elle décide de se lancer au cinéma au milieu des années 1930. Pygmalion la propulse au-devant de la scène, et Petit Père Longues Jambes, en 1938, lui doit en grande partie son succès public. Âgée de presque quarante ans, elle a continument interprété, dans les années 1930, des rôles de jeunes filles en fleur voire d’enfant, avant que sa carrière cinématographique ne cesse brutalement avec l’arrivée de la Seconde Guerre Mondiale.


C'est aujourd'hui le treizième jour du tournage du Petit Père Longues Jambes, produit par Neerlandia Film Production.

Le directeur de production Rudolf Meyer est très satisfait du travail. Jusqu'à présent, tout a pu être fait selon les horaires établis et dans une semaine, juste avant le jour de la Reine, la caméra tournera pour la dernière fois. Tout se passe bien et l'enthousiasme manifesté par chacun, il y a deux semaines, à la réouverture du studio Cinetone, semble également se révéler dans le travail. Tout le monde connaît sa place et sa fonction. Alors que l'on braque une caméra sur la piste de danse dans un studio, dans un autre on est en train travailler sur la construction de nouveaux plateaux, sous la surveillance de l’architecte A.H. Wegerif, qui s’est occupé de tout le projet. Bientôt, on sera en mesure de passer de la piste de danse à la ferme et à la maison de campagne.

Lily Bouwmeester est la figure centrale et modeste de cette grande activité, dans laquelle le klaxon parfois demande du silence pour la caméra et l'enregistrement sonore. Elle semble être parfaitement familiarisée avec la technique de tournage de son dernier film, « Pygmalion ».
Elle est complètement calme, connaît parfaitement son rôle, comprend tout de suite une suggestion du metteur en scène Friedrich Zelnik, qui fait l'éloge de cette actrice. Avec sérieux, dévouement et surtout avec intelligence, elle s'acquitte de sa tâche et réussit en même temps à inspirer confiance à ses collègues. Il y a quelques jours, elle était l'orpheline vêtue d'un uniforme de fourrure bleue de la tête aux pieds, dessinant sur son ardoise les régents stricts, admirés en silence par les autres orphelins. Aujourd'hui, elle est de la tête aux pieds une aimable fille de vingt printemps. Ses nattes d'orpheline ont cédé la place à une coiffure soignée ; la petite robe bleue a été remplacée par une charmante robe de soirée rose pâle, elle a été métamorphosée de petite souris en une image accomplie d’amour et de beauté juvénile. Au lieu de tordre la serpillière entre ses mains, ce qu’elle faisait si bien il y a quelques jours, elle laisse jouer ces mains, aux ongles maintenant polis, le long du bras de son cavalier.

Tout dans cette scène de bal le montre : elle est une actrice. (…)

« De l’orphelinat au grand monde. Lily Bouwmeester dans Petit Père Longues Jambes (Amsterdam, le 23 août 1938) », Bataviaasch Nieuwblad, 8 septembre 1938.

Le Maxim présente un film néerlandais qui a bien marché dans notre mère patrie.
Dans Petit Père Longues Jambes, produit par Neerlandia, Lily Bouwmeester connaît à nouveau un triomphe. Tiré du célèbre livre de Jean Webster, ce film est habilement mis en scène par Friedrich Zelnik. Techniquement parlant, en ce qui concerne la photographie et la mise en scène, cette production est d’un très haut niveau. Ce qui frappe particulièrement, c’est le rôle confié à notre star nationale du cinéma hollandais, Lily Bouwmeester. Qui l’a vue dans Pygmalion comprend qu'elle donne quelque chose de spécial à Judy Aalders : cette joie de vivre juvénile qui, au cœur de l’orphelinat vide et morose soutenu par des complexes caritatifs, entre en conflit avec la directrice et les régents rigides. L'absence de tout membre de la famille ou d'amitiés dans le travail l’amène à donner son amour à un inconnu, son mystérieux bienfaiteur dont elle n’a jamais entrevu qu’une ombre dégingandée… d’où le surnom qu’elle lui donne : Petit Père Longues Jambes.

Outre Lily Bouwmeester, Paul Storm attire également l’attention pour son interprétation du rôle-titre. Paul Storm a déjà acquis une belle réputation de comédien. Mais à notre connaissance, il s'agit de son premier grand rôle au cinéma. Et il s’y révèle parfaitement sympathique, créant un vrai Petit Père Longues Jambes calme, pondéré, persuasif à l’image du philanthrope que fut Jean Webster lui-même. Les rôles secondaires ont moins d’importance, mais tous jouent leur partie de manière satisfaisante. Tout cela donne un film qui fait honneur à l’industrie néerlandaise et que nous pouvons chaleureusement recommander.

Soerabaijasch handelsblad, 12 janvier 1939.


Réalisation Frederic Zelnik. Scénario Cor Hermus, Jaap van der Poll. Production Rudolf Meyer. Société de production Neerlandia-Filmproduktie Maatschappij. Assistant à la réalisation Frits H. Meyer. Chef opérateur Bryan Langley. Son I. J. Citroen. Décor A. H. Wegerif. Maquillage D. H. Michels. Montage Jan Teunissen. Musique Max Tak. Distribution Lily Bouwmeester, Albert van Woudenberg, Emma Morel, Heleen Pimentel, Jan Retèl, Sara Heyblom, Gusta Chrispijn-Mulder, Lies de Wind, Lau Ezerman. Durée 86 minutes. Sortie en Pologne 6 octobre 1938.

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