Jérôme Prieur
France | 2016 | 1h27 | VO
Commentaire dit par Denis Podalydès
Présenté par l’auteur Jérôme Prieur
En 1936, Berlin était une ville magnifique, cosmopolite, où régnait une douceur de vivre sans égale. Les Allemands brillaient par leur raffinement, les policiers par leur plurilinguisme. Et le maître de ce pays de cocagne, Adolf Hitler, n'était finalement qu'un despote éclairé, pacifique... Les jeux Olympiques de Berlin ont visé à offrir au monde l’image d’une Allemagne sportive, pacifique, régénérée. Pendant quinze jours, les Olympiades semblèrent arrêter le temps et faire disparaître la violence et la peur. Le grand spectacle du sport était un instrument aux mains des nazis.
CIO, gouvernements, public : tous sont tombés sous le charme maléfique de ces jeux. Aujourd'hui, le triomphe de l'athlète noir Jesse Owens (quatre médailles d'or) semble consacrer la victoire du sport et de l'idéal olympique. Mais cette belle histoire n'est qu'un arrangement avec la réalité... Les jeux de Berlin ne furent qu'un instrument décisif dans la prise de contrôle de la société par le parti national-socialiste, offrant en même temps une occasion grandiose pour la reconnaissance internationale de l'Allemagne nazie.
Venus des quatre coins du globe, athlètes, journalistes et spectateurs se pressèrent dans la capitale du Reich, transformée par Hitler en splendide vitrine du national-socialisme. L’organisation de la XIe Olympiade avait donné lieu depuis 1933 à une gigantesque opération de propagande. C’est celle-ci que le film de Jérôme Prieur décrypte pour la première fois, uniquement à l’aide des actualités de l’époque, d’images tournées par les caméras de Leni Riefensthal pour le film Olympia (Les dieux du stade) et de nombreux films amateurs, retraçant en détail la préparation, l’orchestration et la mise en scène d’un spectacle monumental qui fut bien moins sportif que politique. C'est ainsi que, s'il est vrai que la première vasque avec la flamme olympique date des jeux de 1928 à Amsterdam, ce sont les nazis qui inventèrent le parcours de la flamme sous forme de relais par des sportifs, en relation avec le symbolisme solaire de la croix gammée – la photographie de l'arrivée de la flamme montre qu'elle fut bien conçue comme un rituel nazi.
Ou comment Hitler est devenu, grâce au sport, l’hôte pacifique de pays qu'il dupe et contre lesquels il prépare la guerre totale, et les jeux, une entreprise de séduction et de conquête du pouvoir, un jeu avec les apparences. Une fable grandeur nature sur l’aveuglement en politique.
Réalisation Jérôme Prieur. Photographie Renaud Personnaz. Montage Isabelle Poudevigne. Musique originale Marc-Olivier Dupin. Production ARTE France, Roche Productions. Durée 85 minutes. Sortie en France 2016.