Julien Duvivier
France | 1940 | 1h33 | VO
Soirée du CNC
Dans une ville nordique imaginaire, l’Armée du Salut ouvre un refuge pour les vagabonds et les mendiants. Une pauvre femme se plaint du bruit d’une charrette qui se traîne, sans pouvoir la voir, la charrette des morts, que l’on entend seulement lorsqu’on est sur le point de mourir. Chaque 31 décembre, celui qui meurt au douzième coup de minuit devient pour une année entière le nouveau conducteur de la charrette.
Adaptation du roman Le Charretier de la mort de Selma Lagerlöf (1912), le film est aussi une reprise du chef-d’œuvre muet de Victor Sjöström (1921). L’œuvre de Duvivier annonce la vague fantastique du cinéma français des années 1940, avec Les Visiteurs du soir, de Marcel Carné (1942), ou encore Obsessions, de Julien Duvivier lui-même (1943). Mais il s’inscrit aussi dans le réalisme poétique des années 1930, peinture du petit peuple ici obscurcie par l’ombre menaçante du conflit mondial.
L’argument fantastique est l’occasion de trouvailles esthétiques de Duvivier, servi par la photographie de Jules Krüger et les décors de Jacques Krauss. Le récit oscille entre les bas-fonds miséreux de la ville, lieu fangeux parcouru par un Pierre Fresnay alcoolique et violent, et l’espace plus paisible de l’Armée du Salut, dans lequel l’espoir est encore permis, personnifié par le personnage bienveillant d’Édith. La Charrette fantôme est cependant empli d’un pessimisme qui témoigne des espoirs déçus du Front Populaire, et de la crainte de voir le fantôme mortifère du fascisme recouvrir l’Europe.
« Un film vertigineux, qui vous prend à la gorge et qui, s’il vous fait pleurer, n’utilise ni cadavres de gangsters, ni morale de Bibliothèque Rose. Je dirai même qu’au travers de cette histoire assez triste et propre à exciter la pitié, passe comme un grand souffle d’air pur, de rédemption. Jouvet et Fresnay se partagent le film ; l’un entièrement renouvelé, cynique et frivole, soudain translucide et immatériel ; l’autre étonnant de révolte misérable, obstiné à s’emprisonner lui-même dans une prison de malheur. » Maurice Bessy, Cinémonde, n° 590, 21 février 1940.
Réalisation Julien Duvivier. Scénario Julien Duvivier (d’après le roman de Selma Lagerlöf, Le Charretier de la mort). Production Paul Graetz, Jean Lévy-Strauss. Photographie Jules Krüger. Musique originale Jacques Ibert. Décors Jacques Krauss, André Trébuchet. Maquillage Vladimir Tourjansky. Coordination des effets spéciaux Jean Epstein. Photographie de plateau Henri Pecqueux. Distribution Pierre Fresnay, Louis Jouvet, Micheline Francey, Marie Bell, Valentine Tessier, Mila Parely, Robert Le Vigan. Durée 93 minutes. Sortie en France 16 février 1940.